Inde : les diamantaires maudits
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Disponible jusqu'au 04/09/2026
Émission du 23/09/2023
Les combats se déroulent à 5 000 kilomètres du sous-continent et pourtant, l’impact de la guerre en Ukraine se fait sentir jusqu’à Surat, dans l’ouest de l’Inde. La capitale mondiale de la taille et du polissage des diamants est l’une des dernières victimes collatérales des folies du Kremlin.
Connue pour tailler 90 % des diamants en circulation dans le monde, cette ville de l’Etat du Gujarat, à la frontière avec le Pakistan, souffre des sanctions imposées par les Occidentaux sur l’achat de diamants en provenance de Moscou, le plus gros extracteur de diamants de la planète.
Longtemps, la Russie a été le premier partenaire de Surat. Avant la guerre, 95 % des diamants russes étaient polis en Inde. Désormais, ils arrivent au compte-gouttes.
Plus de 30 000 emplois ont été supprimés depuis le début des sanctions et des milliers d’autres sont désormais menacés dans une industrie qui emploie près d’un million de personnes. Au-delà du cas de Surat, c’est toute la filière indienne qui est touchée : les exportations ont chuté de 30 % en un an, pour une perte estimée à 800 millions de dollars.
Pour les milliers de traders qui ont pignon sur rue, loupe collée à la pupille au marché de Surat, c’est un coup dur. Beaucoup ont dû fermer boutique ou ont vu leur chiffre d’affaires s’effondrer. Et pour les entreprises de diamantaires, il a fallu soit licencier, soit réduire le temps de travail des employés. Les salaires baissent, et de nombreuses familles de la région se retrouvent en grande difficulté financière.
New Delhi, allié historique de la Russie et partenaire de l’Occident, ne trouvera pas de porte de sortie de sitôt. Si l’Inde n’impose aucune sanction à Moscou, la suspension des banques russes du réseau interbancaire Swift complique l’achat de pierres. Et à ces problèmes de paiement s’ajoutent ceux de l’approvisionnement : les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont renoncé à l’achat de diamants russes et lors du dernier sommet du G7 au Japon, les autres pays membres ont annoncé réfléchir eux aussi, à de nouvelles mesures contre Moscou dans le domaine.
Face à cette pénurie de pierres, Surat met l’accélérateur sur la production de diamants de synthèse, débutée depuis quelques années. Dans la région, plus de 4 000 réacteurs nécessaires à la fabrication de ces pierres de laboratoires fonctionneraient. À l’intérieur de ces machines, des poussières de diamants grossissent jusqu’à donner la pierre idéale. Plus éthique, plus écologique et moins chères que les diamants naturels, ces gemmes de synthèse ont le vent en poupe chez les acheteurs et les bijoutiers car à l’œil nu, rien ne distingue un diamant de synthèse d’un véritable diamant naturel.
L’Inde, deuxième plus grand producteur de diamants de laboratoire derrière la Chine, parie aujourd’hui sur leur développement. Une manière douce de polir sa réputation… et d’absorber la crise des diamants russes.
Réalisation
Antoine Védeilhé
Montage
Marie Boyer
Journaliste
Abhijeet Pandey
Pays
France
Année
2023