Quand on était des petites brutes

La séquence est exhumée de vieilles archives retrouvées par hasard : lors d'une bagarre entre deux écoliers, un troisième donne un petit coup en douce, sournoisement. Il n'en faut pas plus au thérapeute et documentariste Jay Rosenblatt, connu pour avoir travaillé sur la socialisation masculine et la cruauté des adolescents, pour se remémorer un incident qui a marqué sa vie d'écolier. Un après-midi de 1965, le souffre-douleur de sa classe de CM2 est encerclé, molesté et ridiculisé par tous ses "camarades" dans la cour de récréation. À la recherche d'une voix de narrateur, Jay rencontre un acteur, Richard, qui, par le plus grand des hasards, s'avère avoir partagé la même classe que lui et donc avoir été présent lors de cette scène d'humiliation. Jay décide de remonter le temps et de partir à la recherche d'autres protagonistes de ce moment traumatique...

La culpabilité comme moteur
À l'heure où, avec les réseaux sociaux, les cas de harcèlement scolaire semblent se multiplier et prendre des tours de plus en plus dramatiques, l'enquête de Jay Rosenblatt vient rappeler la permanence de ces ostracismes. Comment, en 1965, celui que certains de ses anciens condisciples disent aujourd'hui avoir "abandonné sur une île déserte" a-t-il vécu ce douloureux épisode ? Quel souvenir en gardent ceux qui l'ont rejeté parce qu'il était "spécial" ? Mû par une culpabilité longtemps enfouie et dans l'espoir d'un pardon rétroactif, le réalisateur de L'odeur des fourmis brûlantes s'efforce d'exorciser ce passé douloureux en tentant de comprendre comment les réflexes grégaires des enfants les poussent à se montrer cruels avec ceux qui ne rentrent pas dans le moule. Interrogée au cours de ce court essai documentaire, qui interroge la perméabilité de la mémoire, l'ancienne maîtresse de ces élèves donne cette explication décisive : "Les enfants sont incroyablement réceptifs aux différences."